Gagner_la_guerreLe premier septembre aura lieu l’opération « J’achète un livre de SFFFH francophone », dont le but est de mettre en valeur les livres de fantasy, SF et horreur écrits en français, souvent peu connus des lecteurs. Cette invasion des grenouilles m’a permis, l’année dernière, de découvrir un auteur formidable, Jean-Philippe Jaworski, dont vous pouvez lire une interview ici.

En effet, le premier septembre dernier, j’ai acheté, à l’occasion de cette opération, deux e-books, un recueil de nouvelles de fantasy, Janua Vera, et un roman, Gagner la guerre, publiés aux Editions des moutons électriques. J’ai d’abord été séduite par le recueil avant d’être définitivement conquise par le roman. Ce dernier constitue d’ailleurs la suite d’une des nouvelles les plus marquantes du recueil, « Mauvaise donne », puisque l’auteur reprend le même personnage et narrateur, Benvenuto, tueur à gages.

Je l’avoue, j’ai un faible pour ce personnage dont on suit les aventures au fil des pages, et je peux vous dire qu’il lui en arrive des vertes et des pas mûres. Il n’est d’ailleurs pas le dernier à se montrer machiavélique, violent, brutal, mais au plus fort de sa décrépitude, à la fois physique et morale, on ne peut s’empêcher d’aimer le détester… Voilà un anti-héros que j’ai eu du mal à quitter, et qui hante encore mes pensées, de même que la République de Cuidalia, dont les intrigues politiques sont savamment décrites.
Je n’en dis pas plus et vous laisse découvrir le début de « Mauvaise donne ».

Je m’appelle Benvenuto Gesufal. J’ai longtemps habité dans la via Mala, dans le quartier des abattoirs. Même si je n’y vis plus, j’y ai gardé des habitudes. Chaque matin, je retourne rôder dans les venelles, en descendant de la colline de Torrescella. Au petit jour, j’aime voir les toits de tuiles se réchauffer dans les sourires du soleil et la mer se couvrir de brumes légères. Puis je dégringole les ruelles en escaliers, et je m’enfonce dans la via Mala. C’est le moment de la journée que je préfère. Les ivrognes cuvent, les camelots ne sont pas encore là pour vous casser les oreilles. Des valets lavent à grande eau le seuil des tavernes qui ferment et celui des boutiques qui ouvrent. Des filles descendent au lavoir, les yeux pudiques mais le déhanchement lascif, avec la corbeille à linge appuyée contre le flanc. Les patriarches sortent et s’assoient sur le pas de leur porte. Ils n’en bougeront plus jusqu’au soir. Quand ils me voient passer, ils lèvent la main avec respect.
« Comment va, don Benvenuto ?
— Une journée de plus, Padre.
— La Déesse te bénisse, don Benvenuto !
— La Déesse te bénisse, Padre. »
La Déesse me bénit au moins quinze fois tous les matins. Peut-être est-ce pour cela que je suis toujours en vie. Plus bas, en arrivant près du port, non loin de l’arsenal, la via Mala devient plus animée. Elle sent le sang ; des filets noirâtres ruissellent sur la chaussée en pente depuis les abattoirs. Des nuées de mouches obscurcissent l’air, des colonies de rats grouillent au bas des façades. On entend parfois, derrière le mur d’un boucher, le meuglement d’une bête qui sent la mort. Arrivé là, je m’arrête. Je hume à pleins poumons l’odeur de viande, de crasse, de merde. Je me ressource. Je suis chez moi.
Je m’appelle Benvenuto. C’est un prénom qui me va mal. Je suis tueur à gages.

Et vous, quel livre achèterez-vous le premier septembre ?

Invasion-2015Le recueil et le roman sont disponibles en version papier et numérique, vous pouvez les trouver ici sur Numilog ou encore ici sur Amazon.

4 Thoughts on “Anti-héros aimé

  1. Bonjour Julie,
    j’ai découvert cet auteur par le biais de « Même pas mort » et « Chasse royale », les deux premiers tomes d’une série qui se déroule en …Gaule au 5è siècle avant Jésus-Christ. C’est du roman historique teinté de fantasy, hyper bien documenté, original et fort bien écrit.
    Dommage que ce soit une histoire d’hommes, un peu d’érotisme n’aurait pas fait de tort.
    Mais une découverte à suivre, à coup sûr.

    • Oui, j’ai acheté « Même pas mort », je compte bien le lire… Il y a une seule scène érotique dans « Gagner la guerre », mais elle est très marquante !

      • Hadrien des-Ombres on 29 août 2015 at 11:42 said:

        Sinon, pour répondre à la question : le château des millions d’années de Stéphane Przybyliski
        Et je recommande à tout le monde la Horde du Contrevent d’Alain Damasio. Ce n’est pas d’un abord facile et c’est parfois verbeux (dans le genre Nietzsche /Deleuze) mais passionnant.

  2. J’ai d’abord cru qu’il allait être question d’un truc bien cochon réunissant un Serpent, trois Femmes et un Homme. Et puis non.
    Déception…

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