« Le petit chat est mort ». C’est ce que répond la jeune et fraîche Agnès à son parrain pervers qui veut l’épouser, quand il lui demande ce qui s’est passé en son absence. Elle lui parle du chat, mais elle ne lui dit pas d’autres choses, qu’elle aurait pu raconter ainsi : « J’ai rencontré un beau garçon qui s’appelle Horace, et j’aimerais beaucoup qu’il me… »
Je laisse au lecteur le soin d’imaginer tout ce qu’elle aimerait beaucoup.
Cette célèbre réplique de L’école des femmes de Molière n’est pas un cas isolé : c’est fou le nombre de jeunes femmes qui peuvent perdre leur chat en chanson. En témoignent la mère Michel (c’est le père Lustucru qui lui a dérobé), ainsi que la jolie Petrushka qui fait danser ses nattes blondes.
De là à dire que la perte du chat symbolise l’acte sexuel, il n’y a qu’un pas, que nous franchissons allègrement.
En ancien français, le sexe féminin était assimilé à un conin, un lapin, ce qui donna le mot con (la pine, elle, est masculine). Depuis le XIXème siècle, le lapin s’est fait chatte. Cette métamorphose a peut-être pour origine le chas, le trou de l’aiguille par lequel on enfile le fil, et qui désignait parfois le sexe. Il se serait ensuite féminisé et animalisé ; notons, au passage, que le sexe est devenu carnivore.
Toujours est-il que lorsque j’ai appris, en primaire, le poème « Le chat » de Baudelaire, j’avais trouvé un peu étrange le quatrain suivant :
« De sa fourrure blonde et brune
Sort un parfum si doux, qu’un soir
J’en fus embaumé, pour l’avoir
Caressée une fois, rien qu’une. »
Aujourd’hui, il me semble que si le chat est une chatte, on comprend mieux que la main du poète en soit tout embaumée.
Pour finir, je dois dire que cette appellation de chatte, tout comme le lapin d’autrefois, fait irrésistiblement penser à la fourrure, à la toison dont le sexe est couvert. Ce qui m’amène à une dernière métamorphose, beaucoup plus récente.
Comme vous le savez, la mode est aujourd’hui à l’épilation intégrale. Le terme de chatte paraît alors nettement moins pertinent ; celui de moule, parfois utilisé, est peut-être plus approprié, mais il ne me plait pas vraiment. Me vient alors une idée saugrenue, que je ne puis m’empêcher de partager : et si la chatte s’était faite sphynx ?
Désolé, mais la peau du sphynx ne m’évoque rien… En revanche, je trouve que revenir à la savoureuse appellation d’abricot prendrait alors tout son sens…
Ma proposition n’était pas vraiment à prendre au premier degré…
La mienne non plus…
L’ironie n’est pas toujours facile à saisir par écran interposé. J’en ai fait l’expérience plus d’une fois ! En même temps, c’est aussi ce qui fait le charme des messages courts.
Tiens, encore une Sphynx 😉
J’ajoute pour étaler un peu de confiture, mais vous le savez sans aucun doute, que c’est parce que le terme « conil » était devenu trop connoté sexuellement qu’il a fallu appeler un lapin un lapin ! Peut-être la chatte subira-t-elle le même sort un jour.
Non, je ne savais pas ! Merci !