Si on inventait le verbe gomorrhiser, que pourrait-il signifier ? Brouter la minette, peut-être ? Car à l’époque de Proust, Gomorrhe était synonyme de Lesbos…
L’homosexualité est un thème récurrent de La recherche, surtout dans les derniers tomes. On y découvre que la jolie Albertine, la jeune fille en fleur dont le narrateur est tombé amoureux, préférait en fait la compagnie des femmes… Et, alors qu’elle a brusquement disparu, alors qu’elle est morte, celui-ci enquête, fouille ses souvenirs et ceux des autres, récrée son image pour mieux l’oublier ensuite.
Albertine, Albertine… Où était ce grain de beauté ? Qui a-t-elle aimé ? Qu’allait-elle donc faire dans ces douches ? C’est une lettre qui confirme les soupçons du narrateur : Albertine allait aux bains « accompagnée d’une dame ».
« Elle et (Mlle A.) s’enfermaient toujours dans la cabine, restaient très longtemps, et la dame en gris donnait au moins dix francs de pourboire à la personne avec qui j’ai causé. Comme m’a dit cette personne, vous pensez bien que si elles n’avaient fait qu’enfiler des perles, elles ne m’auraient pas donné dix francs de pourboire. »
Ce qu’on peut imaginer, après une lettre pareille ! Des baisers mouillés, des mains qui glissent, des doigts enfilés (pas des perles), des soupirs bus… Et il voit, voit toute la scène, même s’il ne la décrit pas.
Proust, à travers le personnage de Swann, a inventé pour le sexe l’expression « faire catleya », du nom d’une orchidée. Chaque fois que Swann veut faire un sort à Odette, il arrange les fleurs de son corsage, si bien que l’expression reste entre eux comme un code : « Ma chérie, voulez-vous faire catleya ? « , cela signifie : « Ma mie, je vous tringlerais volontiers ».
Et j’achève sur cette pensée, dédiée à Albertine : sous la douche, les catleyas sont mouillés…