Un petit article Topito a beaucoup traîné sur Facebook, ces jours-ci, assorti de commentaires très négatifs. Il s’agit du « Top 10 des raisons de ne pas draguer dans la rue ». Prendre la défense de ce point de vue, à savoir refuser la drague dans la rue, est devenu synonyme de puritanisme ou de « féminisme extrémiste » (comme si c’était mal, le féminisme).
Alors, mettons les choses au point : je ne pense pas que ce soit grave de complimenter une femme, si ça s’arrête là et que c’est courtois. Mais dans mon expérience, les mecs qui draguent sont très souvent lourds : il posent beaucoup de questions, ne veulent pas vous laisser tranquilles, et parfois ça se termine en insultes, quand ça ne devient pas carrément agressif. En gros, la drague vire fréquemment au harcèlement. Du coup, je fais partie de ces femmes qui n’ont pas envie de se faire interpeler dans la rue, ni sur Facebook d’ailleurs (ce n’est pas un site de rencontres). Les expériences négatives que j’ai connues m’ont rendue très méfiante.
Un exemple : un samedi matin, je vais au travail. Il est tôt, il n’y a personne dans la rue, je longe le parc Montsouris, emmitouflée dans mon manteau. Un homme arrive sur le côté, se rapproche de moi insensiblement. Il me salue, se rapproche tant que je passe de l’autre côté du trottoir pour qu’il ne me rentre pas dedans. Il me pose de nombreuses questions, je réponds froidement sans lui donner de renseignements. Je marche très vite, en zigzag pour l’éviter, je finis d’ailleurs par lui donner un petit coup de coude pour le repousser. Et là il a cette réplique : « Toi, t’as mis ton string en cotte de mailles ».
Là, je dois dire que mon cerveau s’est divisé en deux. D’une part, c’était indiscutablement drôle. D’autre part, j’avais peur qu’il ne continue à me suivre. J’étais toute seule, il n’avait pas l’air méchant mais cette façon de me rentrer dedans de façon répétée était effrayante. Heureusement, j’ai eu de la chance : il a fait demi-tour quand j’ai franchi les barrières du RER.
J’ai donc eu affaire à un harceleur (qui avait de la réplique). Ce n’était pas la première fois, ce ne sera pas la dernière. C’est malheureusement très fréquent. Pourquoi ? Je crois que draguer dans les rues est une mauvaise habitude qui favorise les dérapages, autrement dit, le harcèlement.
La bande dessinée « Les Crocodiles » de Thomas Mathieu illustre bien le problème. L’auteur y explique son choix de dessiner tous les hommes en crocodiles, pas seulement les harceleurs. Il veut souligner que ce problème est lié à un déséquilibre culturel entre l’homme et la femme, l’homme dans son rôle stéréotypé de dominant, la femme dans le rôle trop fréquent de victime. Le but est justement d’essayer de dépasser ces stéréotypes.
Je pense que c’est une bonne chose d’évoquer ce problème, d’en parler avec un esprit ouvert, en évitant de stigmatiser les femmes qui ne supportent pas ou plus la drague dans la rue. Peut-être que ne pas répondre à quelqu’un qui vous complimente est malpoli, mais franchement, on n’a rien demandé, et toute réponse peut être vue comme un encouragement.
Sur Facebook, je ne réponds plus aux hommes qui engagent la conversation par message du type « Salut » ou « ça va ? » avec sa variante « slt c v » pour les flemmards. Au début, je répondais que je ne souhaitais pas discuter sur FB. Quasi systématiquement, on me répondait : pas de problème, discutons sur messenger, ou même : donne-moi ton téléphone. Pas moyen de faire comprendre, même en insistant, que je n’ai pas envie de causer avec des inconnus qui n’ont rien de spécial à me dire.
Je ne réponds plus. Je n’aime pas qu’on m’interpelle dans la rue. Alors oui, j’ai mis ma cotte de mailles. Peut-être que je pourrais l’enlever un jour, quand certaines personnes auront appris le respect. L’espoir fait vivre.
La bande dessinée Les Crocodiles est publiée aux Éditions Le Lombard, vous pouvez la commander ici ou ici sur Amazon.
Je comprends volontiers que les femmes en ont assez de se faire draguer ouvertement dans la rue par des lourdaux… Si on veut draguer (et + si affinités…) il ya des lieux pour cela…
Mais cela n’emp^che pas de dire à une femme qu’elle est jolie si ce propos se limite à cela… Je pense qu’une femme aime être complimentée !
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