Au départ, c’est une nouvelle que m’a adressée Joy Maguène, en réponse à l’appel à textes que j’avais lancé sur le thème « Masques » pour la collection L’ivre des Sens de L’ivre-Book. Malheureusement, gmail a jugé bon de classer le message dans les spams, si bien que j’ai découvert le textes après les autres (rappel pour l’avenir : toujours vérifier ses spams quand on clôt un appel à textes).
La nouvelle, qui s’appelait alors « L’homme au masque de plastique », était excellente, mais j’ai aussi trouvé qu’elle ferait un très bon début de récit plus long. J’ai donc proposé à Joy d’écrire une novella, ce qu’elle a accepté, pour ma plus grande joie, celle des lecteurs, et celle des personnages, comme l’indique bien le titre « Il est venu le temps des orgasmes ». En effet, la narratrice, une jeune mère divorcée, y redécouvre le plaisir, la passion, et ce avec un inconnu qu’elle a croisé à la piscine. La couverture, illustrée par Tonino Della Bianca, représente bien cette première rencontre, que je vous laisse découvrir dans l’extrait suivant.
Comme tous les jeudis soir, à 18 heures, j’étais au centre nautique pour regarder ma progéniture s’ébrouer dans l’eau, imiter la grenouille et boire la tasse. Pas que cela ne m’intéresse pas, j’adore la voir progresser, c’est la chair de ma chair et ma plus grande fierté. Juste que c’était beaucoup trop bruyant, tous ces gosses qui hurlent, alors, souvent, mes yeux se perdaient dans le vague et mes pensées voyageaient loin. Très loin. Et depuis quelques semaines, un homme retenait mon attention. Pas par sa beauté ou quoi que ce soit, non, juste parce que son petit numéro m’amusait. Un homme très grand, à la carrure presque trop musclée et poilue, qui portait un masque de plongée. Le genre de masque qui vous déforme le visage et ne vous rend pas glamour pour deux sous. Il passait toujours près de moi. J’avais le loisir de contempler tout d’abord ses fesses, qui roulaient à l’intérieur de son maillot de bain noir. Un maillot simple, moche et beaucoup trop moulant. Ensuite, son dos. Idem. Des muscles qui n’en finissaient pas d’affoler les sens de toutes les femmes présentes autour de lui. Je sais, je les observais. Et pour finir l’élastique de ce masque qui lui remontait les cheveux derrière la tête, des cheveux d’un noir mat, longs d’une dizaine de centimètres. Des cheveux qui tombaient sur ses épaules bien droites. Il s’étirait un peu, je me demande s’il était conscient des regards autour de lui, parce qu’il prenait bien son temps, se mouillait la nuque, puis plongeait. Ça m’a toujours fait sourire, les gens qui se mouillent la nuque, je ne sais pas pourquoi. Il plongeait d’un coup. Ploc ! Et ensuite, il nageait, il nageait, il nageait. Il ressortait au bout de je ne sais combien de longueurs, j’avais essayé de compter mais ma fille ne m’en laissait jamais le temps. Oui, c’est pour elle que j’allais à la piscine, pas pour ce nageur compulsif, il fallait donc que je lui fasse des coucous de temps en temps. Pour ne pas dire continuellement. Après, il ressortait et filait directement dans les vestiaires, laissant l’eau s’écouler autour de lui sans même se sécher. Il ne m’attirait pas vraiment cet homme, mais il m’intriguait.
Un jour, alors que je m’attendais à vivre cette petite routine assez drôle, il m’a surprise. À peine avais-je eu la vision de ma fille se jetant dans le bain qu’il est apparu près de moi et m’a souri, comme ça, tout mouillé. Il avait déjà fait ses longueurs, apparemment. J’ai répondu à son sourire, sans vraiment savoir s’il m’était adressé. Puis il m’a dit :
– Bonsoir.
Sa voix s’est insinuée en moi, comme une torpille, réveillant un désir depuis longtemps somnolant. Une voix chaude, posée, rassurante. Une voix qui a fait pulser une tension enfouie tout au fond de mon ventre. Et qui m’a crié : encore ! Parle-moi encore !
Sans vraiment réfléchir, je l’ai suivi, prétextant intérieurement vouloir aller aux toilettes. Pourquoi ? Aucune idée. Peut-être pour l’entendre de nouveau. Ou pour apercevoir ses yeux, son visage, sans ce foutu masque horrible qui ne m’avait jamais laissée le percevoir correctement. Mais bien plus que de vouloir qu’il m’adresse la parole une fois de plus, j’avais envie de le toucher. De respirer son odeur. De le sentir en moi.
Insensé, non ?
La novella est paru chez L’ivre-book. Vous pouvez vous la procurer ici ou sur Amazon ici pour 1, 49 €.
Très tentant, cet extrait…