C’est un livre blanc, un livre des Éditions de Minuit, un livre dont on sépare les pages au coupe-papier. J’ai mal fait le boulot, certaines pages sont un peu déchirées.
En lettres noires, l’auteur : Marguerite Duras, en bleu, le titre : L’homme assis dans le couloir.
De l’homme, on ne connaîtra pas les pensées. C’est la femme qu’on voit de plus près. Celle qui attend l’homme, et qui se donne si totalement que c’en est effrayant. Elle est à la fois à la fois actrice et spectatrice d’elle même, elle s’offre à la vue d’abord, puis aux coups, jusqu’au parachèvement des sentiments.
La scène est rapportée par un « je » qui serait à la fois le double de cette femme et le double du lecteur (de la lectrice ?) voyeur.
La première fois que j’ai lu cette nouvelle, je ne l’ai pas vraiment aimée. Peut-être parce que je faisais à ce moment-là une overdose de Duras, ou peut-être, et je crois que c’est l’hypothèse la plus probable, parce que le fantasme évoqué ne me parlait pas encore. Trop profondément enfoui, il n’avait pas surgi. Trop violent pour être accepté tel quel.
Ils s’aiment. Chaque contact est une joie, en même temps qu’une douleur. Les corps sont décrits avec une précision presque géométrique, ils s’emboîtent, se séparent, se blessent.
« Les yeux toujours fermés, elle lâche la robe, ramène ses bras le long de son corps dans la coulée de ses hanches, modifie l’écartement de ses jambes, les oblique vers lui afin qu’il voie d’elle encore davantage, qu’il voie d’elle plus encore que son sexe écartelé dans sa plus grande possibilité d’être vu, qu’il voie autre chose, aussi, en même temps, autre chose d’elle, qui ressorte d’elle comme une bouche vomissante, viscérale. »
A la géographie des corps répond celle du paysage. C’est un apaisement face à cette scène dont on est le témoin, volontaire, involontaire ?
« De l’immensité indéfinie arrive un brouillard, une couleur violette déjà rencontrée sur le chemin d’autres endroits, d’autres fleuves, dans les moussons très lointaines de la pluie. »
Un texte dérangeant qui pose la question de l’aboutissement de l’amour, dans une fusion du spirituel et du charnel. L’écriture de Duras se cherche, hésite, jusqu’à poser le mot exact, la phrase pure qui dira les choses telles qu’elles sont.
Je suis fascinée.
J’ai adoré ce livre et suis aussi fasciné par cette écriture.
Lisez « la maladie de la mort », si ce n’est pas déjà fait, chez le même éditeur. Cette vous n’aurez pas à découper les pages.
Merci pour le conseil de lecture !
« L’écriture de Duras se cherche, hésite, jusqu’à poser le mot exact, la phrase pure qui dira les choses telles qu’elles sont ». Merci aussi Julie pour poser les mots sur cette impression ressentie à la découverte d’une autre « phrase pure » de Duras dans les plis du Ravissement de Lol V. Stein: « …pêle-mêle tout ça ne va faire qu’un, on ne va plus reconnaître qui de qui, ni avant, ni après, ni pendant, on va se perdre de vue, de nom, on va mourir ainsi d’avoir oublié morceau par morceau, temps par temps, nom par nom, la mort. Des chemins s’ouvrent. Sa bouche s’ouvre sur la mienne. Sa main ouverte posée sur mon bras préfigure un avenir multiforme et unique, main rayonnante et une aux phalanges courbées, cassées, d’une légèreté de plume et qui ont, pour moi, la nouveauté d’une fleur. »
De rien, merci pour la citation, surtout la dernière phrase que j’aime beaucoup, et qui m’évoque des souvenirs.