Il y a une question qu’on pose souvent aux auteurs érotiques. C’est réel, ce que vous avez raconté ? Vous l’avez vraiment fait ? Avec parfois, en sus (cette expression me semble tout à fait appropriée), un petit air égrillard, l’air de dire, si vous avez besoin de faire des recherches, ma cocotte…
Cette question, je suis tentée d’y répondre toujours de la même manière : la meilleure recette, c’est de mêler le réel et l’imaginaire. Et vous croyez vraiment que je vais vous donner les ingrédients précis, les proportions exactes ?
Mais aujourd’hui, parce que le ciel est bleu, parce que le printemps est là, je suis de bonne humeur, et je vais quand même vous donner quelques détails.
Il y a au moins une nouvelle pour laquelle je me suis sérieusement posé la question de l’expérimentation préalable. Il s’agit de « Léanore », que certains d’entre vous ont pu lire sur mon site. L’héroïne est une jeune femme qui décide d’aller faire un tour au parc sans porter de petite culotte, nue sous sa jupe. Le récit commence ainsi :
A dix-neuf heures trente, Léanore sortit de chez elle pour se rendre au parc Montsouris.
Elle portait des sandales vernies, un débardeur gris et une jupe légère, une jupe à fleurs.
Et pas de culotte.
Elle en avait une conscience exquise. Souriant au ciel, aux arbres et aux passants, elle marchait, et le vent, qui savait son secret, se faufilait sous sa jupe, comme une caresse entre ses cuisses.
Quand j’ai écrit cette nouvelle, nous étions en septembre ; il faisait chaud, le soleil était merveilleux et la nature luxuriante. J’aurais pu me confondre avec Léanore, le temps d’une heure, aller au parc, nue sous ma jupe, et me servir de cette expérience, de mes sensations, pour écrire ensuite ma nouvelle.
Je ne l’ai pas fait. Je vois d’ici votre déception (les auteurs érotiques, que de la gueule).
La vérité, c’est que j’avais déjà tellement d’idées que j’ai craint que l’expérience réelle ne vienne ruiner mon imaginaire. Si quelque chose était allé de travers, ou si la réalité m’avait déçue, tout simplement, je n’aurais peut-être pas été capable de laisser déferler mes fantasmes sur le papier. Dans le cas de cette nouvelle, donc, l’imaginaire l’a emporté sur le réel.
Ce qui ne veut pas dire que ce soit toujours le cas. Même si je n’ai pas d’exemple qui me vienne à l’esprit, là, tout de suite. Encore que… peut-être…
Bref.
Je suis rassuré, car auteure ou auteur, nous avons les mêmes questions sur nos sources pour écrire. Alors le net donne ce lien en plus, plus direct, plus rapide, plus indiscret si on le veut, et d’autant plus pour des textes érotiques.
Auteur sur plusieurs blogs, de style différent, je croise ce regard interrogatif, d’autant plus qu’il m’arrive, moi homme écrivain d’écrire des textes au féminin, en mode « je ». Homo inavoué, travesti refoulé, et autres remarques des lecteurs, mais aussi des lectrices qui ne comprenaient pas comment je pouvait IMAGINER.
Oui tous avaient oublié la double dimension qui comme vous permet de mêler un bout de réel et des bouts d’imagination (la proportion reste secrète et très variable ;-).
J’en ri encore, et j’écris encore en mode « je » pour des hommes et des femmes… dans toutes les positions ;-))))
Bravo pour votre imaginaire et vos textes
Merci ! Et oui, je est un(e) autre !
Il est assez rare que le réel soit vraiment à la hauteur de l’imaginaire. Dans un texte (ou un dessin) à vocation érotique, il faut que l’imaginaire prime, même s’il est mêlé de détails réalistes ou s’il s’appuie partiellement sur une expérience réelle. Privilégier le réalisme (ce qui est un choix évidemment légitime), c’est s’exposer à tomber dans le prosaïsme ou sur le détail ridicule, déplaisant ou maladroit qui « tue » l’imaginaire érotique.
La vie réelle recèle des trésors inaccessibles à l’imagination du romancier. À mon très humble avis, l’une doit nourrir l’autre, et vice-versa. La réalité peu certes être décevante, mais la confrontation au réel peut être sublimée pour enrichir le texte avec des éléments que l’auteur n’aurait jamais imaginé.
La nouvelle « Léanore » est d’ailleurs basée sur de nombreux détails réels. A commencer par mes grandes interrogations sur la reproduction des cygnes blancs et noirs… Plus sérieusement, j’aime beaucoup ce parc, et je crois qu’on le ressent dans le récit.