Femme-lune

illustration de Julie Derussy

Ma belle,

 si je prends la parole aujourd’hui, c’est que personne ne le fera pour moi. Solitaire, méconnu, j’évolue dans le noir, perdu dans la nuit. Le monde, depuis toujours, ignore mes désirs. Il est temps que j’oublie mes doutes, mes complexes : c’est à moi de plaider ma propre cause.

Il y a longtemps, si longtemps que je t’observe. Ta façon de te mouvoir, gracieuse, quand tu tournoies sur cette piste sombre. Ta flamboyance naturelle, éclat d’étoile. Et puis, avouons-le : cette beauté fatale que chantent les poètes. Tu éclipses sans effort la plus délicieuse de tes sœurs.

Je me sens si petit face à toi.

Et pourtant, j’ose. Je voudrais, ma bergère, être ton cavalier. Je voudrais que tu m’entraînes dans ta danse. Je voudrais ne plus jamais te quitter.

Si tu veux de moi, je serai le chantre de ta beauté. J’épouserai tes pas sans te faire la moindre ombre. Tes parures éthérées, je les verrai glisser lentement et dévoiler ta nudité. Je te regarderai, toujours, réchauffant de mes ardeurs l’espace que tu parcours.

Sois mon juge, ô ma lumineuse, toi dont la présence ferait pâlir le soleil. Me trouveras-tu digne de toi ? Suis-je à la hauteur de la tâche ? Je t’imagine déjà me dédaigner, m’envoyer naviguer dans d’autres cieux. Mais ne crois pas, ma sulfureuse, que je te laisserai m’oublier. Je n’ai pas fini de te tourner autour. Y puis-je quelque chose, si tu m’attires irrésistiblement ?

Si tu le veux, ma charmante, mon aguichante, notre étreinte voyageuse fera le tour du monde.

Ne sois pas indifférente à ma prière. Laisse-moi resserrer ces cercles trop vastes qui m’entraînent loin de toi. Dans le bal glacé de l’univers, nous valserons ensemble dans les vapeurs de soufre. Je ne suis qu’un caillou amoureux d’une planète : je serai, pour l’éternité, ton satellite préféré, adorateur de ta grâce tellurique.

Bien à toi, ma Vénus,

ton quasi satellite, 2002VE.

 

Monsieur,

si j’ai choisi le Soleil, ce n’est pas pour subir les jérémiades d’un avorton inutile. Vous serez donc gentil de m’épargner votre éloquence : tournez, tournez, mais taisez-vous.

Cordialement,

Vénus.

 

L’illustration est une tentative de ma part… Soyez indulgent !

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