Régine Deforges a pour moi un parfum d’enfance : j’avais une douzaine d’années quand j’ai lu La bicyclette bleue ; je me souviens de mon trouble à la lecture des scènes érotiques, et de ma curiosité quand j’ai compris qu’elle écrivait des récits érotiques. Vingt ans plus tard, je m’y attaque enfin.
Rencontres ferroviaires, voilà un thème qui m’a fait penser à un des opus de la collection Osez 20 histoires ; c’est aussi un des thèmes préférés de Clarissa Rivière, auteure et amie ; j’ai pensé à elle en achetant le livre.
Dans les nouvelles de Régine Deforges, l’auteure elle-même est le personnage : elle prend le train pour glaner des souvenirs et de la matière pour son recueil. Pas question ici de grande vitesse. Le rythme est volontairement lent, les trains ont un air de nostalgie et on y fume en regardant le paysage défiler par la fenêtre.
Quelque chose m’a étonnée : certaines parties du récit sont écrites à la première personne et semblent d’inspiration autobiographique. Ce sont peut-être ces moments qui m’ont le plus touchée, à l’image de ces souvenirs :
« En dépit de cela, la gare d’Austerlitz garde toujours pour moi une odeur d’enfance mêlée à la fumée noire des locomotives, au parfum d’encre des illustrés qu’on achetait au kiosque, dans la salle des pas perdus. Ce nom qu’on donne au vaste hall où se pressent les voyageurs me ravissait. Imaginant ces milliers de pas égarés à la recherche d’un chemin qu’ils ne trouveraient peut-être jamais, un vague sentiment d’inquiétude m’envahissait peu à peu à l’idée que les miens propres pourraient rejoindre la cohorte de ceux qui s’étaient déjà perdus… »
Par contre, les passages érotiques, qui surgissent de façon assez soudaine dans le récit, se signalent par un passage de la première à la troisième personne, comme si l’auteure éloignait d’elle ces rencontres fantasmées :
« A nouveau, elle ferme les yeux. Le parfum sucré se fait plus présent. Un souffle tiède caresse son cou, des lèvres épaisses se posent sur sa peau, l’aspirent. Une main glisse sous son pull, s’empare de son sein, le presse, pince le mamelon, l’étire. »
Ce changement de personne me donne un peu l’impression de voir l’auteur se dédoubler, devenir tout à coup personnage ; cela crée une dissonance dans la nouvelle, et m’amène à m’interroger.
Pour ma part, j’écris souvent à la première personne ; j’aime me fondre avec mes personnages. Clarissa m’a dit récemment préférer la troisième personne, qui laisse peut-être plus de liberté. Et vous ? Que préférez-vous lire, ou écrire ?
Quelle forme vous semble la mieux adaptée à l’écriture d’une scène érotique ?
Ce que je préfère ? Eh bien cela dépend des textes… Pas de règle, ce peut être le « je » (comme dans le roman sur lequel je planche depuis des lustres) ou la troisième personne du singulier. Tout dépend de l’ambiance que je veux donner, et surtout, cela n’a rien à voir avec un quelconque rapport à une réalité des choses narrées Il y a des trucs très personnels que j’ai intégrés dans des textes à la troisième personne et des événements purement fictifs décrits en mode « je ». J’aime beaucoup induire le lecteur en erreur 😉
Confidence pour confidence, moi aussi.
Je préfère le « Je » même, et surtout, j’allais dire, quand j’écris du côté masculin. Mon « Je » est alors un homme. C’est quelque fois déroutant. Et c’est rigolo.
Ou alors j’écris sous forme plus poétique.
J’en profite pour vous dire merci pour vos impressions de lectrice.
De rien, merci à vous pour votre réponse ! C’est vrai que c’est intéressant de se travestir sous sa plume…