Entendons-nous bien, je cause uniquement de littérature. J’ai lu pas mal de récits évoquant la soumission, depuis le tout premier – Histoire d’O, what else ? Et voilà que je me demande quel Maître je préfère. Une chose est sûre : ce n’est pas John.
Je viens de lire le roman de Sara Agnès L., Annabelle. J’ai beaucoup aimé le début, les échanges entre l’éditrice et l’auteur, le jeu de séduction. En revanche, à partir du moment où la jeune femme a accepté de se soumettre à John, j’ai été gênée. La scène d’initiation m’a semblé particulièrement dure. Pourquoi ? Parce qu’au moment où Annabelle dit clairement non, au moment où elle se refuse, elle n’est pas écoutée. Pas de safeword. La sodomie qui lui est imposée peut donc être qualifiée de viol… La jeune femme a beau trouver la jouissance au fond de cette violence, ça n’excuse rien selon moi. D’ailleurs, Annabelle finit par prendre conscience de ces abus – enfin ! Cependant, si le comportement de John est dénoncé, je regrette un peu qu’il n’y ait pas de contre-exemple : il n’y a pas vraiment de Maître respectueux dans le roman.
Du coup, je me permets de citer des personnages qui m’ont plu, par exemple le Maître de l’héroïne d’Eva Delambre dans Devenir Sienne : si la narratrice va très loin dans la soumission, elle le choisit toujours. J’ai aimé aussi le très sexy Mathieu qui orchestre l’initiation de Claire, de Valery K. Baran.
Mais surtout, il y a Julien Andringer. D’ailleurs j’ai lu la suite du Manoir, Légendes du Manoir, de la talentueuse Emma Cavalier. Dans ce tome, son passé de soumis nous est raconté, et oui, le personnage est toujours aussi séduisant. Julien forever. La règle du Manoir me semble la bonne : tout maître devrait d’abord affronter la soumission. Pour ne pas imposer à l’autre ce qu’il ne peut pas supporter.
Sur ce, un extrait du Manoir, c’est toujours un plaisir !
– Tu sais quoi, me dit Julien en reposant la dernière lettre, ça me donne envie de te fesser.
J’étais plongée dans mes notes et fis mine de ne prêter qu’une attention limitée à sa remarque. Il m’observa quelques secondes, puis se jeta sur moi, m’attrapant par le bras, et me fit basculer brutalement sur ses genoux. Je me débattais comme une diablesse ; prise de court, n’ayant pas eu le temps de me préparer, j’étais incapable de me laisser faire. Alors qu’il luttait pour baisser mon pantalon, je me mis à crier :
– Non ! Non ! Vous ne pouvez pas faire ça !
À ma grande surprise, il me lâcha aussitôt, et je me reculai vivement jusqu’à être acculée contre les rayonnages, le cœur battant, haletante, le fixant d’un air farouche.
– Ah oui ? demanda-t-il calmement. Et pourquoi je ne pourrais pas faire cela ?
Son cynisme détaché me glaça, me ramenant brutalement à l’analyse de la situation. Mon attitude me paraissait soudain faible et méprisable, loin de l’engagement dont je m’étais crue capable à son égard.
– Euh… et si quelqu’un venait ? hasardai-je timidement.
– Ne te fiche pas de moi. Personne ne vient jamais ici. Tu le sais très bien.
Je baissai les yeux, sentant à mon grand désespoir le rouge me monter aux joues.
– Excusez-moi. Évidemment, vous faites ce que vous voulez.
– J’aime mieux ça, dit-il avec douceur, et tendant une main vers moi, il me fit signe de m’approcher.
Je le rejoignis à genoux, et déboutonnai mon pantalon pour le baisser avant de m’allonger sur ses cuisses, les fesses nues, offertes à son désir, le dos cambré en signe de soumission. Au lieu de frapper, sa main se posa lentement sur les globes de chair, et se mit à les caresser délicatement, dessinant des courbes et des arabesques entre la chute de mes reins et le haut de mes cuisses. J’étais au supplice, sentant s’exacerber au centuple le désir qui me dévorait depuis la première fois qu’il m’avait touchée. Je poussai un gémissement à fendre l’âme, et je pus presque l’entendre sourire alors qu’il me demandait avec malice :
– Eh bien ? Il y a quelque chose qui ne va pas ?
Le roman de Sara Agnès L., Annabelle, est publié aux Editions Milady, vous pouvez le trouver ici.
Le roman d’Eva Delambre, Devenir Sienne, est publié chez Tabou, vous le trouvez ici.
L’initiation de Claire est une novella publiée aux éditions HQN, vous la trouverez ici.
Enfin, les romans d’Emma Cavalier, Le Manoir et Légendes du Manoir, sont publiés aux éditions Blanche, vous pouvez les trouver ici.
Bonsoir,
Histoire d’Ô marque pour moi avant tout le début de la soumission « moderne ». Sade, bien plus tôt, avait déjà « soumis » non ? De mémoire, une de ses cousines dont le nom m’échappe, et il en avait rendu compte d’une façon… Qui lui était propre, comme toujours ?
Dans ces versions plus anciennes, et moins « humanistes », la soumission était réelle, et non « librement consentie » comme c’est le cas de nos jours. « 50 nuances » en particulier a jeté un voile pudique sur ces relations, en dénaturant ce qu’elles sont, pour les rendre « acceptables » aux yeux d’un grand public qui n’y est pas initié (il est riche, elle est belle, patati, patata). Je n’ai pas lu « Annabelle », donc je déblatère probablement dans le vide…
Mais je devine que ce refus de sodomie peut aussi être analysé a l’aune de la psychologie de la lectrice, peut-être plus « souminatrice » que soumise ?
Bref, tout ça pour dire que ce que vous lisez comme un viol n’était peut-être (notez le conditionnel) pas cela dans l’esprit de l’auteur ?
Nicolas
Bonsoir ! En fait, le personnage est clairement présenté comme abusant de sa situation de maître à la fin du roman, la relation devient franchement malsaine… Ce n’est pas une romance traditionnelle, pourtant la fin est quand même heureuse. Bref, un mélange de genres inhabituel.
Et moi, je te conseille « Péché exquis » d’Emma Foster 😉
C’est noté !