Je vous recommande le recueil Tabous de la collection Paulette, et pas seulement parce que j’ai écrit une des nouvelles : je l’ai lu en entier, et j’ai beaucoup aimé tous les récits, ce qui n’est pas si fréquent que ça…
Chaque nouvelle évoque un tabou différent : Joy Maguène met en scène une jeune femme attirée par les policiers que sa famille déteste, l’héroïne d’Alexandrine d’Aumale convoite sa cousine, tandis que chez Clarissa Rivière, c’est un beau-père qui se laisse séduire par une adolescente. Stephie a choisi de montrer que le désir n’a pas d’âge, quant aux propositions indécentes qui sèment le récit de Viviane Faure, je vous laisse les découvrir.
Clarissa et moi avons enregistré un extrait de sa nouvelle ; pour écouter nos voix, c’est par là ! Et un petit extrait de ma nouvelle en bonus :
La première fois, ça m’est tombé dessus sans que j’aie rien prévu. J’étais en train de travailler sur un article pour une revue historique. Malheureusement, je ne me sentais pas très inspirée. Disons-le, je me maudissais d’avoir choisi un sujet aussi rebattu : « La représentation de la souffrance comme incitation à la pénitence ». En tant que spécialiste de l’histoire des religions, je dois reconnaître que ça n’avait rien de bien original. Qui plus est, ce n’était pas bien joyeux, ces histoires de plaies, et ça commençait à sérieusement m’abîmer l’humeur. Bref, j’avais contemplé mille et une crucifixions et j’écoutais un Stabat Mater pour me mettre dans l’ambiance. Celui de Schubert, dont l’ouverture me déchire toujours. C’est à ce moment-là que la clé a tourné dans la serrure : c’était Sébastien, mon compagnon depuis six mois. Peut-être pas le grand amour, mais avec lui, le lit était chaud. Comme souvent, il était d’humeur à la gaudriole. Au début je l’ai repoussé, parce qu’il fallait vraiment que je finisse mon travail. Mais, petit à petit, je ne sais pas si ce sont ses caresses, ou la musique qui m’a échauffé l’imagination, l’ardeur est venue.
Il s’est produit, ce jour-là, quelque chose d’étrange et de fascinant. Trop de travail, probablement. Schubert, indubitablement. Comment appeler ça ? Une expérience érotico-mystique ? Une hallucination de thésarde libidineuse ?
Ses mains couraient sur ma peau, faisaient sauter les boutons. Ma chemise a glissé dans un froissement ; les sopranes chantaient le Christ sur la croix, le sang coulant de ses plaies. La musique s’est enflée, Sébastien a mordu ma nuque. J’ai crié, fermé les yeux, et je l’ai laissé me violenter.
C’est là que c’est arrivé. Derrière mes paupières, l’image sacrée du Crucifié. Il me semblait que c’était lui qui m’embrassait, qui me malmenait. Sa couronne d’épines traçait sur mon sein un chemin de meurtrissures. Je m’offrais à lui, à sa barbe brune, à son torse musclé, à ce petit pagne que j’avais toujours rêvé d’écarter. Il m’a fait basculer sur le canapé ; je me suis ouverte, les bras en croix. Alors, il m’a clouée à son tour et j’ai balbutié des mots d’amour, éperdue.
Le javelot m’a fracassée. J’ai vu les cieux, les anges et Dieu lui-même en tenue d’Ève.
Quand j’ai rouvert enfin les yeux, Sébastien me regardait drôlement.
– Dis donc, tu es chaude, aujourd’hui.
Le recueil est publié dans la collection Paulette, vous pouvez l’acheter ici sur numilog ou sur Amazon ici.
Quelles jolies voix, et quelle lecture sensuelle… Je ne connaissais pas le concept, mais j’adhère totalement.
Maintenant, je brûle de savoir laquelle de vous deux lit quelle partie du texte ? Allez, je me jette à l’eau : la voix de celle qui évoque la maternité, en particulier, m’a fait frissonner…
Clarissa lit en premier, j’enchaîne !